Un soldat de la Séléka abattu. BANGUI. DIaspora media
Par Rodrigue Joseph MAYTE
Il ne se passe pas un seul jour sans que la gestion quotidienne de la transition par les enturbannés fasse couler de l’encre. Quasiment tous les jours, la situation semble partir en vrille et la population s’inquiète de plus en plus sur l’avenir du pays. A l’incompréhension et la désolation de la population s’entremêle l’indifférence de la classe politique centrafricaine. Il est vrai que dans nos exercices de scribouillards précédemment mis en ligne, la face cachée de l’iceberg que représentent la coalition Seleka et l’ingérence inextinguible du Tchad en Centrafricaine a été mis en exergue. Depuis la prise du pouvoir par les enturbannés, le pays s’embrase davantage et les nouvelles autorités présentent une fébrilité balourde dans la gestion des événements quotidiens. Tous les signaux sociopolitiques sont en berne et la grogne populaire semble prendre le dessus à cause justement de l’insécurité, des actes de barbaries et d’animosités.
A vrai dire, depuis le changement brutal du 24 Avril 2013, la situation sociale va de mal en pis… Par contre, sur le plan politique il y’a plusieurs aspects négatifs qui constituent le goulot d’étranglement de la transition. Il est d’une évidence absolue que l’actuel gouvernement d’union nationale ne représente ni les forces vives de la nation ni toute la diversité du pays. La relecture de la liste des membres du gouvernement d’union nationale permet de comprendre que la « familiocratie » a été au cœur de la répartition des portefeuilles ministériels. Cependant, il faut admettre que les répartitions n’ont pas été fantaisistes mais ciblées conformément à l’orientation politique des enturbannés. En suivant notre regard, vous pourrez certainement comprendre la face réelle de l’iceberg que les enturbannés ont toujours mise dans l’ombre. Dès le début de la crise, les rebelles de la coalition Seleka ont successivement pillé et saccagé toutes les municipalités des villes conquises, les administrations étatiques et para étatiques. Actuellement, les statistiques démontrent que 97% des mairies reparties sur toute l’étendue du territoire ont été détruites par les rebelles au point de rendre inexistant les actes d’états civils (acte de naissance, acte de mariage, acte de décès etc…) pouvant servir de bases de données plus tard pour le fichier électoral.
D’une manière succincte, il n’y a aucune base de données qui atteste maintenant l’état civil d’un citoyen lambda en République Centrafricaine. Au demeurant, pour reconstituer l’état civil de tout un chacun, il faut nécessairement organiser sur toute l’étendue du territoire une audience foraine qui permettrait la mise à niveau de la base de donnée sur fond d’un témoignage. En d’autres termes, il suffit seulement que quelqu’un vienne apporter son témoignage pour l’appartenance à la patrie d’un citoyen lambda pour que son fichier d’état civil soit établi. Assurément, le corps électoral du prochain scrutin proviendra des bases de données de ces audiences foraines. A la base, l’ensemble du corps électoral en République Centrafricaine oscille autour d’un million huit cent mille (1 800 000) électeurs. Par conséquent, si les Centrafricains d’obédiences musulmanes qui n’étaient jadis que 12 % de la population parviennent à atteindre 50% du corps électoral, il incombe d’admettre qu’ils se maintiendront fort longtemps au pouvoir. Puisque c’est le ministère en charge de la sécurité publique chapeauté par Nourredine qui s’occupera de la naturalisation, il faut reconnaître qu’il y’aura tout simplement un rapport de cause à effet dans le dispositif initial des enturbannés.
En plus de ce cas de figure, il y’a l’ambitieux projet du lac Tchad savamment orchestré par le Président Deby qui est minutieusement étudié en ce temps-ci au ministère des Eaux et Forêts par l’entremise de Daffhane à peine les pieds mis à l’étrier. Tout porte à croire que les enturbannés mettent les bouchées doubles pour satisfaire le voisin géant aux pieds d’argile. Ce qui est sûr et certain, le Président Deby maintient ses yeux grandement ouverts sur la Centrafrique pour la simple raison qu’il veut s’assurer de sa sécurité à distance et ferait un effort pour doter la République Centrafricaine d’une armée solide qui s’apparenterait à celle du Tchad en vue de l’appuyer simultanément lorsqu’il adviendrait une attaque extérieure. Ce genre de scenario ne pourrait être efficace qu’à travers un Chef d’état centrafricain que le Président Deby pourrait manipuler à tout va et c’est dans cette optique qu’il prend évidemment le soin d’imposer en Centrafrique, un homme capable d’exécuter à la lettre ses cahiers de charges. Bien évidemment, le monde entier s’inquiète de la situation chaotique de la République Centrafricaine à présent et presque tous les décideurs semblent braqués leurs regards du côté de Ndjamena afin que le sommet des chefs d’états qui aura lieu sous peu puisse donner les garanties nécessaires pour une sortie de crise pacifiée et négociée.
Apparemment, rien ne prouve que les enturbannés ont l’intention de se retirer à la fin de la transition car ils s’invitent dans toutes les instances du pays comme les chenilles le font dans les assiettes des Centrafricains sans sonner trompette ni tambour. Le cas le plus hallucinant est le perchoir du Conseil National de Transition occupé par un protégé du nouvel homme fort. On n’a l’impression que l’intention primordiale de ces derniers réside dans la caporalisation de toutes les institutions afin d’avoir un résultat escompté. Une chose est sûre, les enturbannés disposent des grands stratèges, des politologues capables d’inverser les actions tendancieuses. Les coulisses de la coalition racontent que le nouvel homme fort de Bangui s’apprête à entrer en possession d’une grande financiarisation émanant du moyen orient sauf que ces fonds devront arriver par l’aéroport Bangui M’poko et la présence des militaires Français stationnés sur place bloque toute la transaction. Selon la même source, des moyens faramineux viendront des mêmes donateurs dans l’unique but de reconstruire très rapidement la République Centrafricaine.
Il semblerait que l’approche réelle est la reconstruction fulgurante des infrastructures, des édifices publics, des écoles, des hôpitaux, des routes durant cette transition en vue de persuader par la perception la population afin qu’elle maintienne les enturbannés au pouvoir. Déjà, la transhumance politique s’active, le prosélytisme s’oriente davantage vers les mosquées et la nouvelle majorité autour du nouvel homme fort se dégage peu à peu. Les messes de minuit se normalisent et certains hommes politiques n’hésitent pas à apporter publiquement leurs soutiens aux nouvelles autorités. Encore une fois, la chance s’amenuise du côté de certains prétendants à la magistrature suprême car l’actuel homme fort de Bangui commence à pousser des racines…Toutefois, les indiscrétions révèlent que certains décideurs ne trouvent pas d’inconvénients si la Centrafrique doit devenir un pays musulman et in fine il y’a une stabilité et un développement réel. Il est vrai que la France ne reconnait l’actuel homme fort de Bangui, mais ce serait mieux si elle agissait pour protéger la population civile.
Rodrigue Joseph Prudence MAYTE